Le portage salarial bénéficie d’un cadre juridique spécifique, encadré depuis 2017 par une convention collective nationale dédiée. Ce texte fixe les règles essentielles qui régissent la relation entre le salarié porté et sa société de portage : rémunération minimale, classification, formation, protection sociale, temps de travail… Comprendre son contenu est indispensable pour tout professionnel qui choisit ce statut hybride.
Dans cet article, nous allons détailler les principales dispositions de la convention collective nationale des salariés en portage salarial (IDCC 3219, brochure 3383), expliquer à qui elle s’applique et ce qu’elle change concrètement pour les indépendants portés. Pour ceux qui souhaitent consulter directement le texte officiel, il est accessible sur Légifrance.
Contexte et fondements de la convention collective du portage salarial
Pourquoi une convention collective spécifique au portage salarial ?
Le portage salarial, longtemps considéré comme une zone grise entre le salariat et l’indépendance, a fait l’objet d’une reconnaissance légale progressive.
La première étape majeure a été l’ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015, qui a défini le cadre légal de cette activité. Puis, la loi Travail du 8 août 2016 (loi n° 2016-1088) est venue renforcer ce dispositif en rendant obligatoire la mise en place d’une convention collective dédiée.
C’est dans ce contexte qu’est née la convention collective nationale du portage salarial, signée en mars 2017 et entrée en vigueur le 1er juillet 2017. Elle est répertoriée sous l’IDCC 3219 (brochure 3383) et constitue depuis le texte de référence qui encadre les relations de travail dans ce secteur.
Cette convention est le résultat de longues négociations entre les syndicats de salariés et les organisations patronales du secteur, réunis au sein de la branche professionnelle du portage salarial. Son objectif principal : offrir aux salariés portés une sécurité juridique, sociale et financière, tout en tenant compte des spécificités de leur statut hybride.
Qui est concerné par cette convention collective ?
La convention collective du portage salarial s’applique à deux catégories d’acteurs :
Les salariés portés : ce sont des professionnels autonomes (consultants, freelances, experts, formateurs, ingénieurs, etc.) qui choisissent de travailler via une société de portage pour bénéficier de la couverture sociale d’un salarié tout en conservant leur liberté d’organisation.
Les sociétés de portage salarial : ce sont des entreprises dont l’activité exclusive est le portage salarial. Elles doivent être déclarées et disposer d’une garantie financière pour sécuriser les salaires et cotisations sociales des personnes portées.
Autrement dit, toute relation de portage salarial en France doit obligatoirement être encadrée par cette convention collective. Cela garantit un socle commun de droits pour l’ensemble des salariés portés, quel que soit leur domaine d’expertise.
Les principales dispositions de la convention collective du portage salarial
La convention collective nationale du portage salarial (IDCC 3219) fixe des règles précises qui structurent le quotidien des salariés portés. Ces dispositions encadrent la rémunération, le temps de travail, les congés, ainsi que la formation et la protection sociale. Elles constituent le socle juridique et pratique qui distingue le portage salarial d’autres formes d’emploi.
Rémunération, classification et statut
L’une des avancées majeures de la convention collective est la définition d’une grille de rémunération minimale.
Pour un salarié porté junior, le salaire minimal doit correspondre à 70 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale (PMSS).
Pour un salarié porté sénior, il est fixé à 75 % du PMSS.
Pour un consultant en forfait-jour, le seuil minimal atteint 85 % du PMSS.
Ces planchers garantissent un niveau de revenus suffisant et évitent les abus. La convention prévoit également une classification des salariés portés en fonction de leur expérience, de leur autonomie et de leur mode de travail (forfait heures ou forfait jours). Chaque salarié porté doit recevoir un contrat de travail en CDI ou CDD, accompagné de bulletins de salaire détaillant le calcul du revenu net après frais de gestion.
La période d’essai est également encadrée :
2 mois maximum pour les ETAM,
3 mois pour les cadres,
renouvelables une fois selon les modalités prévues au contrat.
Temps de travail, congés et RTT
Le salarié porté bénéficie des mêmes droits que tout salarié en matière de durée du travail et de congés :
35 heures par semaine comme durée légale de référence.
Des heures supplémentaires possibles, avec majoration conforme au Code du travail.
L’accès aux RTT (réduction du temps de travail) pour les salariés au forfait jours.
2,5 jours ouvrables de congés payés par mois travaillé, soit 30 jours ouvrables par an.
Cette organisation garantit une compatibilité entre missions en autonomie et respect du droit du travail.
Santé, formation et protection sociale
La convention collective met un accent particulier sur la sécurité et le développement professionnel des salariés portés :
Une mutuelle santé obligatoire, avec possibilité d’étendre la couverture aux ayants droit.
Une prévoyance collective, couvrant les risques d’arrêt maladie, d’invalidité ou de décès.
La formation professionnelle est financée à hauteur de 1,6 % de la masse salariale, dont 0,3 % au titre d’un fonds mutualisé spécifique à la branche.
Cela permet aux consultants portés d’entretenir et de développer leurs compétences, tout en bénéficiant d’une protection sociale complète comparable à celle des salariés classiques.
Les mécanismes de mise en œuvre et de contrôle de la convention collective
La convention collective nationale du portage salarial (IDCC 3219) n’est pas seulement un texte de principes : elle prévoit aussi les instances de suivi, d’interprétation et de contrôle qui garantissent son application. Ces organes paritaires sont chargés de veiller au respect de la convention et d’accompagner son évolution.
Les organes paritaires de la branche
Plusieurs commissions ont été mises en place pour encadrer et faire vivre la convention collective :
La CPPNI (Commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation) : elle assure l’interprétation des clauses de la convention et peut être saisie en cas de désaccord sur leur application. Elle veille également à l’actualisation régulière du texte.
La CPNEFP (Commission paritaire nationale emploi formation professionnelle) : son rôle est d’orienter et de suivre les actions de formation professionnelle continue dans le secteur du portage salarial.
La CPNC (Commission paritaire nationale de conciliation) : elle intervient en cas de litige collectif lié à l’application de la convention collective.
L’OPNC (Observatoire paritaire national de la branche) : il a pour mission d’analyser les données économiques et sociales du secteur, afin d’anticiper les évolutions du marché du portage salarial.
Ces instances réunissent les représentants des salariés portés et des sociétés de portage. Elles permettent un dialogue social permanent dans une branche en pleine croissance.
Les accords de branche et avenants
La convention collective peut être complétée par des accords de branche ou des avenants spécifiques, négociés entre les partenaires sociaux. Ces textes permettent d’adapter certaines règles aux évolutions du secteur, par exemple en matière de formation, de classification des emplois ou de télétravail.
Ainsi, la convention collective n’est pas figée : elle est amenée à évoluer régulièrement, afin de répondre aux besoins des salariés portés et aux mutations du marché du travail indépendant.
Application pratique pour le salarié porté
Concrètement, l’application de la convention collective se traduit dans la vie professionnelle du salarié porté par plusieurs outils et obligations :
La remise d’un compte d’activité détaillé, qui récapitule les honoraires facturés, les frais de gestion, les cotisations sociales et le salaire net.
Des bulletins de salaire conformes, qui reprennent les éléments prévus par la convention et garantissent la transparence de la rémunération.
Un accès aux droits à la formation professionnelle, financés par les contributions spécifiques de la branche.
Le respect des obligations en matière de protection sociale (mutuelle, prévoyance, retraite).
Ces mécanismes renforcent la confiance entre les salariés portés et les sociétés de portage, tout en sécurisant juridiquement leurs relations de travail.
Bien comprendre les implications de la convention collective pour le salarié porté
La convention collective du portage salarial ne se limite pas à définir des règles techniques. Elle transforme concrètement le quotidien du salarié porté en lui garantissant une sécurité juridique, une stabilité professionnelle et une reconnaissance statutaire qui manquaient auparavant.
Une sécurité juridique renforcée
Avant 2017, le portage salarial était parfois contesté pour son manque de clarté juridique. Certains y voyaient un risque de prêt de main-d’œuvre illicite ou de marchandage. Avec la convention collective, ces incertitudes disparaissent :
le statut de salarié porté est clairement encadré par le droit du travail ;
les obligations de la société de portage (garantie financière, assurance, transparence) sont renforcées ;
les risques de requalification du contrat en relation commerciale ou en travail dissimulé sont largement réduits.
Pour le salarié porté, cela signifie qu’il peut exercer son activité en toute légalité, avec la même sécurité qu’un salarié classique.
Une transparence dans la relation contractuelle
L’un des apports majeurs de la convention collective réside dans l’obligation de transparence des sociétés de portage. Concrètement :
Chaque mission doit donner lieu à un contrat de travail clair, accompagné d’une convention de portage qui précise les honoraires facturés et les frais retenus.
Le salarié porté reçoit un compte d’activité détaillé, document qui retrace la circulation financière (facturation, frais de gestion, cotisations sociales, rémunération nette).
Les frais de gestion doivent être explicitement indiqués et justifiés, ce qui limite le risque de mauvaises surprises.
Cette transparence rassure le salarié porté et lui permet de mieux piloter ses revenus.
Une reconnaissance professionnelle et sociale
La convention collective consacre également la place du salarié porté dans le paysage du travail en France. Ce statut hybride, longtemps considéré comme marginal, bénéficie désormais :
d’un socle conventionnel commun à tous les portés, quelle que soit la société avec laquelle ils travaillent ;
d’une égalité de traitement avec les autres salariés en matière de protection sociale (mutuelle, retraite, prévoyance) ;
d’une valorisation professionnelle, puisque les classifications et la grille salariale reconnaissent différents niveaux d’expertise (junior, sénior, consultant au forfait jours).
Cette reconnaissance participe à légitimer le portage salarial aux yeux des clients, des partenaires et des organismes sociaux.
Une plus forte stabilité et une meilleure prévisibilité
Enfin, l’un des avantages les plus appréciés de la convention collective est d’apporter de la stabilité. Le salarié porté connaît à l’avance les règles du jeu : ses droits, ses obligations et les conditions minimales de rémunération. Il peut ainsi se projeter plus sereinement, notamment dans le cadre d’une collaboration longue avec une société de portage.
💡 Conseil d’expert : pour un consultant indépendant, travailler sous la protection de la convention collective du portage salarial, c’est combiner les avantages de l’autonomie avec la sécurité du salariat. C’est cette combinaison qui explique aujourd’hui le succès croissant du portage auprès des freelances et des experts en mission.
Où trouver la convention collective du portage salarial et à qui s’adresser ?
Accéder au texte officiel
Pour consulter directement la convention collective nationale du portage salarial (IDCC 3219, brochure 3383), la source de référence reste Légifrance. Vous y trouverez le texte consolidé, régulièrement mis à jour avec les avenants et accords de branche applicables.
👉 À noter : vous pouvez également télécharger la convention collective nationale du portage salarial au format pdf en cliquant sur ce lien.
Les syndicats et organisations professionnelles
Plusieurs acteurs représentent la branche et peuvent vous fournir des informations pratiques :
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Le PEPS (Professionnels de l’Emploi en Portage Salarial), organisation patronale majoritaire, qui regroupe la plupart des sociétés de portage en France. → peps-syndicat.fr
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La FEPS (Fédération des Entreprises de Portage Salarial), autre organisation d’employeurs, également signataire de la convention. → syndicatportagesalarial.fr
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Les syndicats de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO), qui défendent les droits des portés et participent aux négociations de branche.
Les sociétés de portage et experts spécialisés
Chaque société de portage doit mettre à disposition de ses salariés portés le texte de la convention collective et être en mesure d’en expliquer les principales dispositions. N’hésitez pas à demander :
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un exemplaire du texte,
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un détail sur son application dans votre contrat,
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et des précisions sur les frais de gestion et services inclus, en lien avec la convention.
FAQ
Quelle est la convention collective applicable au portage salarial ?
Il s’agit de la convention collective nationale des salariés en portage salarial (IDCC 3219, brochure 3383), entrée en vigueur le 1er juillet 2017. Elle encadre les relations entre les sociétés de portage et les salariés portés en fixant leurs droits, obligations et garanties sociales.
À qui s’applique la convention collective du portage salarial ?
Elle concerne à la fois les salariés portés (consultants, freelances, experts, formateurs) et les sociétés de portage dont l’activité exclusive est le portage salarial. Tout contrat de portage signé en France doit respecter cette convention pour être juridiquement valide.
Quels sont les principaux droits garantis par cette convention ?
La convention collective prévoit un salaire minimum calculé en pourcentage du plafond de la Sécurité sociale, une protection sociale complète (mutuelle, prévoyance), l’accès à la formation professionnelle, ainsi qu’une transparence obligatoire sur les frais de gestion et le compte d’activité du salarié porté.
Où consulter la convention collective du portage salarial ?
Le texte officiel est accessible sur Légifrance. On peut également se référer au site du Ministère du Travail, ou demander directement à sa société de portage un exemplaire et des explications adaptées au contrat signé.